Patrouiller sur le port ... Antoîne ne connaissait rien de plus agréable que de flâner des heures sous prétexte de patrouille entre les bateau et les dockers qui dès le matin s’insultaient en se passant des lourdes caisses, jouaient au cartes durant leur pause, buvaient des alcools forts et bousculaient les quelques passants endimanchés. Si l’heure n’avait été si matinale, il aurait été aux anges.
A ce moment, l’activité principale était la réparation des filets et le stockage du poisson après la pêche de la nuit. Devant le jeune inspecteur qui flânait en sifflotant, les mains dans les poches, une large mer d’huile s’étendait sous un ciel pommelé, dans un air étonnamment doux. Des poissions glissaient sur le sol dans des résidus d’eau de mer, et de sa démarche féline, gracieuse, l’inspecteur les évitait soigneusement ou les repoussait du bout du pied.
Il était habillé de façon bien trop légère pour affronter la brise matinale qui agitait l’air pourtant déjà tiède des premiers rayons du soleil, avec son chandail bleu pastel et son long foulard fin enroulé autour de son coup, et qui, trop long, s’agitait dans son dos. Les marins, le connaissant bien, s’écartaient sur son passage de peur de le bousculer.
C’est qu’il était connu, ce chérubin, dans la pègre des docks ! Pas un mafioso de la contrebande qui hantait dans le coin n’ignorait sa frimousse angélique et son efficacité redoutable. Mais ce respect n’était pas appliqué envers tous les visiteurs du port.
Du coin de l’œil, il aperçut un large matelot, une véritable armoire à glace en vérité, bousculer une jeune femme habillée un peu trop élégamment pour se promener dans un tel endroit. Celle-ci, déséquilibrée, tomba droit sur les genoux d’une autre femme, que Pastor avait déjà entrevue au Saint James où il passait souvent sa pause déjeuner. Il se demanda un instant s’il n’allait pas leur porter secours, mais, voyant que cela tournait bien, il résolut de n’en rien faire.
C’est alors qu’en passant à côté des deux femmes il reconnut la Gérante de l’hôtel Atlantis. Il l’avait déjà rencontrée lors de ces nombreuses perquisitions dans cet hôtel, où les riches dirigeants de la pègre aimaient à séjourner, sans d’ailleurs entacher la réputation d’établissement « propre » du palace. Il s’arrêta alors et se pencha légèrement pour demander avec un grand sourire :
« Tout va bien ? »