[Les rues et ruelles] Premiers pas à Kanst

Sa valise à la main, son sac sur l'épaule, emmitouflée dans son long manteau fourré, Sandra Rolgger marche à petits pas dans les rues. L'hiver arrive et la nuit est déjà bien installée, aussi elle se félicite d'avoir acheté ce manteau à Liverpool. Un long manteau noir à col et à une chaude fourrure couleur café crême qui en fait un abri confortable et bien assez chaud pour résister au froid.

La jeune femme promène son regard partout autour d'elle, autant pour vérifier que personne ne pourrait lui chercher des ennuis -Kanst n'est pas connue pour sa sécurité- que pour tenter de trouver l'Hotel de la ville. Elle voudrait bien y dormir au moins cette nuit, pour être en forme et commencer ses recherches demain. Et puis elle a mal partout, et elle est perdue, et sa main qui tient la valise commence à glacer malgré son gant en laine..

Avec un soupir désespéré, elle arrête sa marche et pose sa valise contre le mur, le même mur contre lequel elle s'adosse juste après. Levant les yeux vers le ciel noir à peine parsemé d'étoiles, elle prend une grande inspiration, ce qui crée un petit nuage d'air chaud sortant de sa bouche.

Les larmes aux yeux, de fatigue, d'épuisement et de solitude, elle clot ses paupières et baisse la tête dans un soupir qui retient des sanglots.

[Réservé à Andrea Lawkin]

Andrea déambulait dans Kanst afin de retourner chez elle. Le spectacle auquel elle venait d'assister était fabuleux et elle était contente de savoir que cela aurait lieu plusieurs fois par mois dans son propre petit café. La jolie Maru, la chanteuse qui avait donné une si belle prestation ce soir, était une femme merveilleuse, doté d'un charisme à en faire perdre le souffle. Il émanait d'elle un bonheur inégalable, mais pourtant, elle ne chantait que des chansons tristes qui rendaient ses spectateurs très nostalgiques. Peut-être avait-elle un passé malheureux. Andrea ne savait rien de tout ça.

Tout en marchant, la jeune gérante pensait à sa vie à Kanst qui était beaucoup plus belle que tout ce qu'elle avait pu imaginer jusqu'ici. Elle avait un boulot qu'elle adorait, les gens qu'elle côtoyait là-bas étaient très gentils et ses employés étaient très dévoués. Elle appréciait particulièrement la petite Éloïse qui avait tout juste 16 ans. Ce soir, en la voyant travailler avec acharnement même si elle semblait exténuée, Andrea avait pensé à sa plus jeune soeur, Sandra. Elle était un peu plus âgée qu'Éloïse, mais la jeune femme était certaine que ces deux-là s'entendraient à merveille.

Au moment où elle pensait à sa soeur pour la deuxième fois dans la soirée, elle passa devant une silhouette adossée à un mur. La personne semblait frigorifiée et un étrange soupir, comme celui qu'on faisait pour retenir ses larmes, se fit entendre. De nature aimante et généreuse, Andrea ne put s'empêcher de retourner sur ses pas et d'adresser la parole à cette même personne.

- Excusez-moi mademoiselle, dit-elle en remarquant que cette silhouette appartenait à celle d'une femme, est-ce que tout va bien?

Puisque la rue n'était éclairée que par la faible lumière d'un réverbère, Andrea ne pouvait voir les traits de cette jeune personne. Elle ne réalisa donc pas qu'elle venait d'adresser la parole à sa plus jeune soeur, celle à qui elle avait pensé durant la soirée.